dimanche 13 février 2011

L for London

Copyright Kristine May


Petite, j'allais passer une partie de mes étés en Angleterre chez ma tante Sarah. 

Son appart était un oasis de bonheur dans Camden Town, plein de fleurs et de photos affichées sur les murs. Le matin, elle me préparait des toasts à la marmelade avec du thé à la vanille et nous descendions ouvrir la boutique. Elle me laissait tourner l'affiche pour indiquer que c'était ouvert et je m'installais dans un coin avec des livres ou des feuilles pour dessiner. À 10 ans, elle m'a montré comment utiliser la caisse enregistreuse et c'était avec fierté que je la remplaçais lorsqu'elle allait griller une cigarette ou préparer le repas du midi.

Quand elle ne travaillait pas, Sarah me demandait ce que j'avais envie de faire et nous partions en excursion à travers la ville. Nous allions flâner sur Portobello Road, nous écraser dans un parc, nous asseoir le long des docks pour regarder les gens passer ou sur un banc au Tate pour admirer des toiles. Le soir, elle m'amenait écouter du jazz avec elle au pub du coin (Neil, le barman, m'installait sur un tabouret près de lui et me tenait tranquille à coup de jus sucrés et de pretzels) mais dès que les onze heures sonnaient, elle était intransigeante et m'obligeait à aller me coucher malgré mes supplications. Souvent, nous allions chez ma grand-mère qui nous gavait d'histoires, de thé et de scones parfumés. 

J'aimais mes étés à Londres plus que tout. J'aimais le tourbillon de cette ville, les couleurs, les odeurs du marché, les autobus à deux étages, les parapluies, les cyclistes partout. J'aimais entendre les gens parler anglais comme mon père. Quand je revenais avec l'accent, il souriait: ça lui faisait plaisir. Alors je forçais la note en allongeant mes voyelles, en imitant les mimiques des jeunes londoniens. Je disais «so-riii», «pliii-z», «momm-iii», «dadd-iii». Ça pouvait durer des semaines. Jusqu'au moment où je finissais par retourner à l'école retrouver mes amis et -étrangement- mon accent québécois francophone rappliquait illico.

Avec le temps, les choses ont changées. L'été de mes quinze ans s'est mal terminé et, hormis à la mort de ma grand-mère, je n'y suis plus retournée. C'est dommage quand même.

Peut-être que cette année, j'irai voir si des fleurs poussent toujours dans Camden Town.

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